Avortement

« Un avortement est un meurtre. »

Cette affirmation est un point de vue plus qu’un préjugé, mais un point de vue en désaccord avec les conclusions des débats sur la bioéthiques qui sont à l’origine des lois européennes sur l’avortement.

D’après la législation européenne, il est clair que l’avortement n’est pas un meurtre. L’embryon ou le fœtus n’étant pas considérés comme des personnes humaines, ils ne peuvent être victimes d’homicide. Ils ne sont pas non plus considérés comme des objets. La question de leur statut juridique n’est pour le moment pas tout-à-fait réglée, et est laissée à l’appréciation des états membres.
Voir l’article d’Euronews sur le statut juridique de l’embryon en Europe
Voir le dossier documentaire du Master 1 Gestion de l’Information et de la Documentation de l’Université Paris 8

La question de l’avortement fait débat. Il n’y a pas de réponses simples et définitives. S’y opposent plusieurs conceptions de la vie, et du vivant.
C’est une question de bioéthique, qui est un champ d’étude et de législation mouvant. La bioéthique est une discipline qui mêle médecine, biologie, génétique, philosophie, droit, sociologie, théologie …

Toute la question est donc : quand commence-t-on à être un être humain, une personne, avec des droits en tant que personne ?

Noëlle Lenoir, chargée en 1990 par le Premier ministre français Michel Rocard d’une réflexion sur les questions éthiques soulevées par les développements de la recherche scientifique, résume alors ainsi les trois principales positions sur l’embryon :

« – L’embryon est déjà une personne humaine. […] Cette conception conduit à condamner toute recherche sur l’embryon; celui-ci ne saurait être traité comme du matériel biologique.

– L’embryon, jusqu’à un certain stade, n’est qu’un simple amas de cellules indifférenciées. Comme tout autre matériel génétique, il peut faire l’objet d’expérimentation.

– L’embryon est un être humain en devenir, une « personne humaine potentielle », selon l’expression du Comité consultatif national d’éthique. En tant que tel, il a droit au respect de sa dignité, ce qui impose la limitation des expérimentations susceptibles d’être pratiquées sur lui. »
Voir l’article Wikipedia sur la bioéthique
Voir l’article du site de la Documentation Française « Contraception et IVG, 25 ans après la loi Veil »

Selon la doctrine chrétienne, la personne humaine existe dès la fécondation. Le zygote (œuf fécondé), serait donc déjà un être humain à part entière. Pour le mouvement anti-IVG (ou pro-vie), c’est le fait que le zygote contienne tous les éléments de l’ADN de l’être humain, et qu’aucun apport extérieur supplémentaire ne soit nécessaire, qui fait qu’on peut donc déjà le considérer comme un être humain.

Pourtant, les conclusions des comités de bioéthique en Europe notamment est qu’il n’y a pas un moment précis où l’embryon, et le fœtus, devient une personne. On a considéré que, plutôt qu’un moment précis où le fœtus acquiert tous ses droits en tant que personne, il y a une lente évolution où le fœtus acquiert de plus en plus de droits, jusqu’à ce que ce soit devenu une personne. Ces conclusions ont donné naissance aux législations sur l’avortement.

En France, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) reconnait l’embryon ou le fœtus comme « personne humaine potentielle ».
Voir l’article Wikipedia sur le foetus humain

Il y a donc une évolution progressive d’un « amas de cellules » en un « être humain ».

Mais le caractère principal qui a été retenu pour déterminer le moment où le fœtus est suffisamment humain pour commencer à avoir un droit à la vie, est la viabilité. L’embryon ne peut vivre sans sa mère, ses fonctions vitales ne sont pas autonomes. Ce serait la viabilité du fœtus, sa capacité à survivre hors du ventre de la mère, qui marquerait le début du vie humaine viable. Ce cap de la viabilité varie, mais on considère qu’il est autour de 12 semaines de grossesse. En Europe, le délai légal d’avortement est de 13 semaines en moyenne.

Pour le philosophe Francis Kaplan,  il y a une différence entre être « du vivant » et un « être vivant ». L’embryon « est vivant », mais ce n’est pas pour autant « un être vivant ». C’est un humain en devenir, c’est une potentialité.

Gregg Henriques, docteur en psychologie, donne un exemple :
« Considérez que je me gratte le bras, des milliers de cellules humaines vivantes vont mourir.  Néanmoins, malgré le fait que ces cellules sont clairement « humaines » en terme de structure et de composition, et sont clairement vivantes (en termes de métabolisme, croissance, complexité organique, etc.), personne ne suggérera de faire un enterrement pour chaque cellule ayant péri. En d’autres termes, être une personne demande bien plus qu’avoir de l’ADN humain, et d’être vivant dans le sens biologique technique du terme. »

Le philosophe politique Michael Sandel rejette le dualisme qui est fait entre « personne » ou « objet ». L’univers moral n’a pas à être binaire. Par exemple, un séquoia n’est ni une personne, ni un objet. Pourtant, on reconnait sa valeur, sa préciosité, le fait qu’il soit digne de respect.
De la même façon, le statut de l’embryon n’a pas à être soit simple objet, soit une personne comme les autres.

Pour aller plus loin, Sandel émet l’hypothèse d’un incendie dans un centre de fertilité. Si on avait le choix entre sauver une petite fille de 5 ans, ou 10 embryons, qui choisisserions-nous de sauver ?
Pour Sandel : « le fait que toutes les personnes étaient auparavant des blastocystes ne veut pas dire que tous les blastocystes sont des personnes. C’est un raisonnement fallacieux. Le fait que tous les chênes aient été des glands ne veut pas prouver que chaque gland est un chêne. »

Cela va à l’encontre du point de vue du mouvement anti-avortement, qui considère que l’embryon, ou que l’œuf fécondé, est une personne, du seul fait qu’il ait déjà l’ADN complet du futur humain.
Voir l’article du site La Vie des idées sur le livre de Francis Kaplan « L’Embryon est-il un être vivant ? »
Voir la tribune de Gregg Henriques, sur le site Psychology Today « When does « It » becomes a person? » (en anglais)
Voir l’article de la BBC « When is the foetus ‘alive’? » (en anglais)
Voir l’article de DNA science blog « When does a human life begin? » (en anglais)
Voir l’article de Harvard Magazine « Debating the moral status of the embryo » (en anglais)

Il est vrai que pour des parents qui attendent un bébé, l’embryon ou le fœtus est un être à part entière, qui fait déjà partie de la famille. Une fausse couche est vécue comme une perte et un traumatisme par des parents. Mais dans le droit français, le fœtus et l’embryon n’ont pas de personnalité juridique. Ils sont, juridiquement, considérés comme objets, et non comme personnes humaines. Pour être doté de la personnalité juridique, l’individu doit être né vivant et viable. Un enfant mort-né n’a par exemple pas de personnalité juridique.
Voir l’article du site Cours-de-droit.net sur le statut juridique de l’embryon et du foetus en France
Voir l’article « Le statut juridique de l’embryon et du fœtus » du site Aideauxtd.com

Dans l’Union Européenne, la plupart des états autorisent l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Seule Malte l’interdit complètement.
Voir l’article du site Toute l’Europe.eu sur le droit à l’avortement dans l’UE

26 thoughts on “« Un avortement est un meurtre. »

  1. De quel pouvoir quasi divin un Etat peut-il se prévaloir pour déterminer au jour près qu’un embryon humain est digne d’être considéré comme une personne ou bien réduit à un morceau de viande sans valeur?
    Sommes-nous donc encore dans un État laïque ?

    1. Dieu ou pas Dieu, même suivant les lois de la physique et de la biologie existantes, l’humanité doit de toute façon prendre des décisions éthiques, en permanence. Oui, un embryon n’est pas une personne, biologiquement, ce n’est pas un être humain. Comme du sperme ou des ovaires, il y a de la vie, c’est de la vie, mais ce n’est pas un être humain. C’est ce que permettent de dire les connaissances scientifiques, ce que dit l’éthique, et, encore davantage ce soir, ce que dit le droit.

  2. J’ajoute que la loi Veil reconnaît que l’embryon est un être humain, sans quoi elle ne traiterait pas la question de « porter atteinte (au) principe » selon lequel « la loi garantit le respect de l’être humain dès le commencement de la vie ». Si vous lisez attentivement la loi Veil, cela vous sautera aux yeux.

    Pour rappel : « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi; »

    Si l’embryon n’était pas un être humain, pourquoi dirait-on que l’on porte atteinte à ce principe ?

    1. Ce n’est pas ce que dit la loi, elle parle de « commencement de la vie » pour un embryon. L’embryon est bien une personne en devenir.

    2. L’avortement porte atteinte au droit de vivre, qui est un droit naturel fondamental, comme l’explique le juriste Gregor PUPPINCK, si la mère de MOZART avait avorté, quel perte pour l’humanité.

  3. Bonjour cher Monsieur,
    Il apparaît par votre article qu’une position philosophique a été privilégiée, et que le droit s’est prononcé, mais non pas que la science a tranché.
    Il en va évidemment de l’embryon autrement que des cellules de peau que l’on gratte, car ces cellules n’ont rien en elle qui les fera devenir des hommes ou des femmes adultes.
    Le concept de « personne potentielle » est philosophique, mais très contestable. La distinction entre la puissance et l’acte, apportée par Aristote, signifie qu’un sujet est en acte imparfait de sa forme, jamais dans une pure potentialité. De telle sorte que ce qui devient est déjà ce qu’il sera, bien qu’il le soit de façon inachevée. L’embryon est déjà l’adulte qu’il sera, bien qu’il le soit de façon inachevée. Le développement de l’embryon ne commence pas à la douzième semaine, mais à la conception, et il s’achève à la mort.

    1. Ce que vous écrivez est une interprétation. L’exemple qu’employait Aristote que vous mentionnez à propos des concepts de puissance et d’acte, c’est le bloc de pierre qui est puissance, et la statue, qui est acte. Le bloc de pierre est une potentialité. Si un tailleur de pierre le travaille, ce bloc pourrait devenir une statue. Pourtant, si on détruit un bloc de pierre, peut-on affirmer qu’on détruit l’œuvre d’un tailleur de pierre ? C’est la même chose pour l’embryon. L’embryon n’est pas un être humain, c’est de la vie, qui pourrait devenir un bébé humain. Mais pour cela, il faut qu’une femme le porte, lui fournisse les nutriments dont il a besoin pour le faire grandir jusqu’au stade d’être humain.
      En clair, passer du potentiel à la réalisation, du bloc de pierre à la statue.

  4. Une incompétence de base se trouve aux fondements de ce texte. Que la vie unique d’un nouvel être humain unique au monde commence à la fécondation est un consensus scientifique. Dès lors, on ne peut créer deux catégories d’êtres humains dont l’une aurait le droit de vie ou de mort sur l’autre. L’enfant à naître n’est pas, scientifiquement, objectivement, un « être humain potentiel », il est un être humain avec plein de potentialités. La séparation d’un être humain de ces droits de personne à part entière a toujours été le raisonnement des indidivus totalitaires visant à justifier des comportements meurtriers. L’esclavagiste considère que sa couleur de peau lui donne des droits supplémentaires sur les noirs, l’antisémite nazi, que sa race lui donne des droits supplémentaires sur les juifs, l’avorteur que son âge (développement) lui donne des droits supplémentaires sur les enfants à naître. Dans tous les cas, le résultat de ce raisonnement génocidaire est un massacre…

    1. Bonjour Jean-Leon,

      Le consensus scientifique, c’est que l’embryon n’est pas un être humain. C’est, justement, un embryon d’être humain, c’est « un être en devenir ».
      https://www.sciencesetavenir.fr/sante/grossesse/de-l-oeuf-a-l-embryon-les-premieres-etapes-d-un-etre-en-devenir_165630

      De la vie unique se trouve aussi dans les spermatozoïdes et dans l’ovule. Chaque spermatozoïde est unique, différent des autres. Chaque spermatozoïde est un être en devenir.
      https://fondation-lamap.org/node/6124
      La masturbation pour les hommes est-elle un génocide alors ? Faut-il l’arrêter ? Bien sûr que non.

      On ne peut pas du tout comparer un embryon à un être humain. Il semble alors normal que l’embryon ne soit pas considéré comme une personne juridique,

    2. pourquoi en cas d’accident je serais condamné par la loi pour homicide dans le cas de la mort d’un foetus d’une femme enceinte
      et la même femme aura le droit de ce faire avortée
      ne faut il pas changer la loi ……….

      1. Non vous ne serez, normalement, pas condamné pour homicide. La jurisprudence est claire.
        Voir cet article du Figaro :
        https://www.lefigaro.fr/actualite-france/accident-de-pierre-palmade-apres-la-mort-d-un-foetus-l-humoriste-peut-il-etre-condamne-pour-homicide-involontaire-20230214

        « « Depuis l’arrêt du 30 juin 1999, la Cour de cassation considère qu’une infraction d’homicide volontaire ou involontaire ne peut concerner qu’une «personne juridique». Et le fœtus, justement, n’en a pas : en droit pénal, il n’existe pas, puisqu’il fait partie du corps de sa mère et ne possède pas d’existence autonome.
        Cette législation s’est vue confirmée par un arrêt du 29 juin 2001, qui impose le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, et ne prévoit pas que la mort du fœtus puisse être qualifiée de mort d’autrui. Celle-ci, lorsqu’elle intervient dans des accidents de la route ou des accidents médicaux, ne peut donc être qualifiée «d’homicide involontaire». »

  5. Moi je suis d accord » avec les hommes » .. … malgré le développement des différentes méthodes de contraception, le nombre d avortements ne diminue pas. Il convient que les personnes se responsabilisent.. il convient aussi que les femmes qui réclament un allongement du temps pendant lequel avorter comprennent que le foetus souffre pendant cet acte , pourquoi pensez vous que l on interdise la projection du film le cri ? Arrêtons de proclamer avortement libre et gratuit, ce qui doit l être c est la contraception

      1. Désolé, mais votre commentaire montre que vous ne connaissez rien à la biologie. 96% des biologistes affirment que la vie unique d’un nouvel être humain unique au monde commence à la fécondation. Ouvrez un livre de biologie, vous verrez… When Human Life Begins
        American College of Pediatricians – March 2017
        ABSTRACT: The predominance of human biological research confirms that human life begins at
        conception—fertilization. At fertilization, the human being emerges as a whole, genetically distinct,
        individuated zygotic living human organism, a member of the species Homo sapiens, needing only
        the proper environment in order to grow and develop. The difference between the individual in its
        adult stage and in its zygotic stage is one of form, not nature. This statement focuses on the scientific
        evidence of when an individual human life begins.

        1. Non ce n’est pas établi. La source que vous citez est le Lozier Institute, qui n’est pas une source objective, c’est une organisation américaine militant contre l’avortement.
          Même si plusieurs études viennent le questionner et que des questions subsistent, le consensus médical chez les spécialistes reste aujourd’hui sur 24-25 semaines avant que le fœtus ne puisse ressentir la douleur. C’est le cas par exemple des organisations médicales majeures comme l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG), la Society for Maternal-Fetal Medicine (SMFM), et le Royal College of Obstetricians and Gynaecologists (RCOG).
          https://www.webmd.com/baby/when-can-a-fetus-feel-pain-in-the-womb
          De plus, les médecins pratiquant un avortement tardif peuvent injecter un antidouleur, à la fois pour la mère et pour le fœtus.

  6. Mon fils, abandonné à la naissance par une mère russe et un père ukrainien, adopté du Donetsk à 2 ans et demi, Français donc par jugement d’adoption au TGI, 21 ans maintenant très bon étudiant à la Sorbonne disait récemment :  » je remercie ma mère biologique de ne pas m’avoir éliminé légalement comme en France et m’avoir donné une chance ».

    L’avortement est évidemment un meurtre : dès la conception il y a vie.

    Société criminelle qui commence à le payer cher (retraites !) et le mérite sauf tous les innocents victimes d’une propagande digne du national-socialisme ou du marxisme totalitaires.

    CFFD

    Jacou
    Bastante indignado

    1. Bonjour Jacques,

      Et bien justement, comme vous pouvez le lire dans mon article, ce qui a été tranché par la bioéthique, c’est qu’il y ait vie, ne veut pas dire qu’il y ait être vivant.

      Dans le sperme, il y a vie, pourtant la masturbation n’est pas un meurtre.

      L’embryon, puis le fœtus, évoluent de « vie », à « être humain ».

  7. Madame, Monsieur,

    Ce que vous appelez ici « préjugé » est simplement une idée que vous ne partagez pas et votre réponse le prouve.

    1) Vous répondez à ce « préjugé » par une pétition de principe.

    Les références que vous faites au statut juridique des embryons sont totalement hors de propos car, lorsque l’on affirme que l’avortement est un meurtre, c’est évidemment pour condamner moralement les lois qui l’autorisent. Défendre ces lois en se fondant sur ces mêmes lois est une sorte de pétition de principe, procédé rhétorique sans aucune valeur de vérité.

    2) Vouz répondez à ce « préjugé » par des arguements d’autorité, ce qui est un comble !

    Cette question est philosophique et concerne l’interdit de l’homicide : pourquoi est-il immoral de tuer un homme de sa propre autorité ?

    L’avis du Conseil Consultatif national d’éthique n’a aucune valeur philosophique en tant que tel et vous n’expliquez pas quel raisonnement le sous-tend. Vous l’utilisez comme un argument d’autorité.

    L’argument de votre philosophe, tel que vous l’énoncez, n’est pas tellement convainquant lui non plus car vous ne démontrez absolument pas le bien-fondé de sa définition de l’être vivant par l’autonomie des fonctions vitales. Vous l’utilisez donc, elle-aussi, comme un argument d’autorité.

    À suivre votre philosophe, diriez-vous qu’un adulte doté d’un cœur artificiel perd son statut d’être vivant, puisqu’il ne jouit plus de l’autonomie de toutes ses fonctions vitales ? Et un nourrisson, puisqu’il est incapable de se nourrir seul (bien que ses fonctions vitales soient autonomes) ?

    À l’inverse, à trois jours du terme de la grossesse, les fonctions vitales de l’enfant sont évidemment autonomes et l’avortement est pourtant autorisé si l’enfant est porteur d’une maladie grave et incurable. Est-ce encore un « préjugé » que de considérer cet avortement « médical » comme le meurtre d’un malade ?

    3) L’assimilation de l’avortement à un meurtre est une idée fondée philosophiquement et n’a rien, en soi, d’un préjugé.

    Voici un exemple de raisonnement pouvant aboutir à cette idée.

    – Un nourrisson n’est pas autonome et n’a pas de vie intérieure, puisqu’il ne maîtrise encore aucun langage.
    – Il est pourtant clair que la mise à mort d’un nourrisson est immorale.
    – L’argument de l’autonomie ou de la conscience ne tient donc pas.

    Pourquoi donc considère-t-on l’infanticide comme un meurtre ? Parce qu’il est un homme conscient en puissance.

    – On ne tue pas un nouveau-né car il est un homme conscient en puissance
    – or l’embryon est un homme conscient en puissance à partir du moment où il a une identité génétique propre
    – l’identité génétique propre existe dès l’instant de la fécondation
    – donc l’avortement est un meurtre dès l’instant de la fécondation.

    ————————————

    Ainsi, ce que vous appelez préjugé peut avoir un fondement tout à fait rationnel.
    Vous ne trouvez par ailleurs à lui opposer qu’une pétition de principe et des arguments d’autorité.
    Votre entreprise de lutte contre les « préjugés » est donc ici malhonnête et ne vous sert qu’à noter d’infâmie une idée qui vous déplaît. Ce procédé est d’une malhonnêteté regrettable.

    Cordialement,

    Quentin

    1. Cher Quentin,

      Merci de votre message. Effectivement, sur cet article-ci, ce n’est pas tout-à-fait un préjugé. C’est plutôt un point de vue, mais qui est je pense outrancier.
      Le terme « meurtre » me semble faux et inapproprié, pour un certain nombre de raisons.

      Je fais bien référence à des lois, mais ces lois ne sont pas justes, ou ne détiennent pas une vérité simplement parce qu’elles sont lois. Il ne s’agit pas de faire un argument d’autorité.
      Ces lois détiennent à mon avis une vérité parce qu’elles sont basées sur des longs débats de bioéthique, et sur des constatations scientifiques, sur des réalités biologiques.
      La législation sur l’avortement fait sens, et les arguments bioéthiques derrière sont à mon avis solides.

      Mais j’ai tenu compte de vos critiques, l’article était en effet imparfait, et incomplet. Je l’ai donc complété, afin qu’il soit plus explicatif et que l’on comprenne donc mieux la logique derrière les lois sur l’IVG, ainsi que les différents points de vue sur l’IVG et le statut de l’embryon.

      Et vous avez raison : ce n’est pas parce qu’une loi est loi qu’elle détient la vérité. Il existe des lois qui ne sont ni justes ni fondées. Je crois aussi que les lois peuvent évoluer, et qu’elles doivent être discutées, dans le cadre d’un débat civil et démocratique.
      Il n’existe pas d’être humain pleinement autonome et indépendant. Un adulte doté d’un cœur artificiel est bien entendu un être vivant et une personne, tout comme quelqu’un qui suivrait un traitement dont sa vie dépend, tout comme un nourrisson, qui comme vous le dites est viable et autonome.

      « Est-ce encore un « préjugé » que de considérer cet avortement « médical » comme le meurtre d’un malade ? »
      Ici, les interruptions médicales de grossesse, intervenant de façon tardive, sont faites pour des motifs bien précis, pour des maladies graves et incurables, ou si la vie de la mère est menacée.

      Et les IMG sont rares, autour de 7000 par an en France. Et combien sont vraiment à quelques jours de l’accouchement ? Au Québec, qui n’a pourtant aucun délai d’avortement, 92% des accouchements ont lieu à moins de douze semaines de grossesse.

      Oui, on met bien fin à la vie d’un fœtus, mais est-ce pour autant un « meurtre » ? Est-ce que l’euthanasie est un meurtre ? Est-ce que Vincent Lambert a été assassiné ?
      Je pense qu’on considère l’infanticide comme un meurtre parce que le nourrisson sorti du ventre de sa mère est venu au monde. Il est né, il existe et a une personnalité juridique. Il ressent, il a des émotions. Il est autonome et viable (dans une certaine mesure), est un être vivant, un être humain indépendant.
      Je pense que cela ne fait pas débat.

      Pour ce qui est de l’identité génétique, la position bioéthique sur laquelle sont fondées les lois sur l’avortement, est que ce seul critère n’est pas suffisant.

      Ils ont tous deux la même identité génétique, pourtant je pense qu’il fait consensus qu’on ne peut comparer un nourrisson et un zygote.
      Un œuf n’est pas un poussin. Un gland n’est pas un arbre, même pas une jeune pousse.

      Pour toutes ces raisons, je rejoindrais donc les conclusions des comités de bioéthique. Le terme de « meurtre » ne reflète pas la réalité.

      Cordialement,

      Xavier

      1. Bonjour à vous cher homme,

        Est-ce que les femmes peuvent faire ce qu’elles veulent de leur corps? Ça serait apprécier, le jour où le foetus sera dans le vôtre on vous donnera pleinement le droit de faire ce que vous voulez, pour le moment tout appartient à la femme et le respect de son jugement face à cette situation. Pas besoin de crier au meurtre chaque fois qu’une femme se fait avorter, ça doit certainement lui briser le coeur plus que vous.

        Effectivement, elles pourraient accoucher à la place de se faire avorter, mais savez-vous vraiment ce que cela fait d’accoucher d’un bébé?

        merci

        1. Bonjour,

          Je tombe sur votre site et apprécie cette capacité faire de parler l’intelligence sans le trouble des passions
          S’agissant de l’avortement, à savoir s’il est un meutre, dès lors que l’on définit le meutre comme « tuer un être humain » ( Larousse) et le fœtus ou l’embryon comme n’étant pas des êtres humains, il suffit de suivre une logique rudimentaire pour conclure.
          Je ne partage pas votre point de vue mais ne cherche pas à convaincre qui que ce soit autour d’une vérité sur ce sujet car ma pensée s’élabore sur une intuition forgée à partir de toutes les dimensions de mon humanité y compris celle de la spiritualité et en particulier la croyance que Dieu a fait l’homme à son image dès la conception à savoir un être capable des lumières de l’intelligence qui sait l’ordre des choses et peut à son tour les ordonner (le mal devenant, rapidement dit, la destruction ou privation d’un ordre et donc l’absence de Dieu) et un être capable d’amour (volonté libre).
          L’embryon humain n’est évidemment pas au stade d’exercer cette ressemblance. De votre , voyez-vous une différence et aussi une différence de dignité entre un gland, un alevin, une larve d’huître, un embryon de singe?

          Nombreuses sont les femmes qui avortent parce qu’elles se sentent coincées, et en quelque sorte contraintes. Difficile de parler de liberté. Il serait même aujourd’hui considéré comme une entrave à (la liberté) l’avortement de leur donner à écouter le cœur du fœtus qui bat dès le vingt cinquième jour. Difficile de parler de vérité, devenue suspecte d’exercer une pression psychologique.
          S’il y a dans notre société, un consensus en faveur de l’avortement, il est peu douteux que la culture, la pression sociale, l’individualisme, l’hédonisme, la désacralisation globale ne jouent pas en faveur de la morale pragmatique qui le sous-tend.

          En conclusion, s’agissant de d’appeler l’avortement un meurtre, que ce soit pour les partisans ou les opposants les bases scientifiques et les arguments philosophiques ne semblent pas en mesure de trancher. Notre jugement final provient en chacun d’un noyau indémontrable non négociable qui fonde de façon ultime notre morale sur cette question.
          Dieu jugera, je le pense et il parle déjà en notre conscience. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »
          D’autres pensent qu’aucun Dieu ne jugera et qu’il n’´y a même pas de problème de conscience.
          C’est la solitude fondamentale de l’individu auto référentiel.
          Entre les deux, certains assument mais marchandent avec leur conscience, la fin justifiant le raisonnement.

          Personnellement, je ne crois pas au chaos d’un monde inintelligible donc non ordonné et donc sans cause sensée.

          1. Bonjour, merci de votre message, c’est appréciable qu’on puisse en discuter avec quiétude. Oui, à la fin, cela reste toujours une décision très personnelle, prenant en compte de nombreuses dimensions, de santé, de liberté, de spiritualité, de morale, philosophiques… C’est aussi sans doute pour cela que la conversation est aussi vive sur cette question.

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