Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il est probable que non, passer à une agriculture mondiale à 100 % biologique ne serait pas bénéfique pour la biodiversité à l’échelle de la planète.
Nous parlons bien sûr à régime alimentaire équivalent et variétés cultivées équivalentes à celles actuelles.
Pourquoi cela, alors que localement, dans les champs, l’agriculture bio a un impact moindre sur la biodiversité que l’agriculture conventionnelle ?
Voir l’article « Agriculture biologique et biodiversité » sur le site de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique
Et bien c’est parce que, dans l’ensemble, les rendements de l’agriculture biologique sont moindres que ceux de l’agriculture conventionnelle.
De ce fait, d’après des données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), convertir la totalité de l’agriculture au biologique en 2050 nécessiterait la mise en culture de 16% à 33% de terres en plus par rapport à la moyenne de 2005-2009, contre 6 % de plus dans le scénario de référence de la FAO, essentiellement basé sur l’agriculture conventionnelle. Cette mise en culture de terres supplémentaires nécessiterait une déforestation accrue de 8 % à 15 %.
Une étude publiée en décembre 2018 dans la revue Nature corrobore ces données.
Voir l’étude « Assessing the efficiency of changes in land use for mitigating climate change » sur le site de Nature
Cette déforestation accrue impacterait négativement des écosystèmes très riches en biodiversité, surtout dans les pays du Sud.
Une agriculture biologique à l’échelle mondiale serait donc néfaste pour la biodiversité mondiale, car, même si elle a un impact positif sur la biodiversité locale, cet impact est largement annulé par l’impact négatif des défrichements d’espaces naturels.
Une autre étude publiée également dans Nature en 2017 conclut qu’il est possible de nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050 en utilisant exclusivement l’agriculture biologique sans défricher plus de terres, mais seulement à condition de réduire le gaspillage alimentaire et de limiter la consommation de produits d’origine animale. Cette transformation nécessite à la fois une réflexion sur nos modes de production, sur les rendements agricoles mais aussi sur nos habitudes alimentaires.
Voir l’étude « Strategies for feeding the world more sustainably with organic agriculture » sur le site de Nature
Voir l’article du Figaro « Manger bio est-il dangereux pour la planète ? »
Voir l’article de Numerama « La nourriture bio présente-t-elle un danger pour l’environnement ? »
Voir l’article du Monde “Une agriculture 100 % biologique pourrait nourrir la planète en 2050″
Un autre aspect de l’agriculture biologique qui pose question quant à son impact sur l’environnement, est celui de ses pratiques. En effet, les limites de l’agriculture biologique résident dans le fait qu’une agriculture peut se revendiquer biologique tout en se rapprochant par certains aspects de l’agriculture conventionnelle (mécanisation, faible prise en compte de la biodiversité locale, cultures de plein champs, usage de serres chauffées, pesticides, etc.).
L’agriculture biologique n’étant pas toujours écologiquement et socialement soutenable à cause de certaines dérives et de la nécessité d’avoir des surfaces agricoles plus importantes qu’en agriculture conventionnelle; d’autres perspectives agricoles existent (agroécologie, permaculture, agriculture de conservation, etc.).
C’est l’agroécologie qui serait le modèle de l’avenir d’après la FAO. Alliant à la fois l’agronomie et l’écologie à travers une approche beaucoup plus globale et complexe vis-à-vis de l’environnement immédiat, cette pratique agricole tend à réconcilier agriculture durable et hauts niveaux de rendements. L’agroécologie permet notamment de ne pas détruire la vie dans les sols, mais d’y apporter de la matière organique.
Pour conclure, n’oublions pas que le meilleur moyen de réduire la pression sur les terres, et donc sur la biodiversité, c’est encore d’éviter de manger de la viande.
Voir l’article des Décodeurs du Monde “Pourquoi la viande est-elle si nocive pour la planète ?”
Voir l’article de la FAO “L’agroécologie peut aider à améliorer la production alimentaire mondiale”
Voir la tribune de Maria Helena Semedo, Directrice Générale adjointe de la FAO, dans le Huffington Post « La faim dans le monde va s’aggraver si les agriculteurs ne redeviennent pas garants de la biodiversité »
Voir l’article « L’agro-écologie, une solution pour éradiquer l’insécurité alimentaire, selon la FAO », sur le site de la FAO
Voir l’article de Géo « Agroécologie : la solution pour une agriculture verte ? »
Voir le rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, sur le site de l’ONU
Par Julie Ferio