Cette stratégie dite « de l’immunité collective », ou « de groupe », aurait des conséquences catastrophiques, d’après la plupart des spécialistes en maladies infectieuses.
Typiquement, pour stopper une épidémie, il faut parvenir à ce qu’un certain pourcentage de la population soit immunisé.
Cette immunité collective peut se faire de deux façons : soit en vaccinant une très grande partie de la population, soit en faisant en sorte qu’elle contracte le virus, en guérisse, et s’en immunise naturellement. Car, normalement, les personnes qui contractent une maladie infectieuse et en guérissent deviennent immunisées à cette maladie. Et donc elles ne la contractent plus, et ne la transmettent plus.
C’est donc sur ce deuxième cas de figure que repose la stratégie de l’immunité collective, qui veut laisser l’épidémie se propager.
Le problème, c’est que cela se ferait au prix de très nombreuses vies humaines.
« Je suis abasourdie », a dit Karine Lacombe, infectiologue et cheffe de service à l’hôpital Saint-Antoine à Paris à propos de la décision initiale du premier ministre anglais Boris Johnson de laisser se diffuser l’épidémie (décision sur laquelle il est revenu depuis).
« Pour avoir discuté avec mes collègues anglais qui sont cliniciens, sur le terrain, ils sont effrayés. C’est une très mauvaise décision […] C’est vraiment un pari qui, pour ma part, est complètement inentendable. » ajoute-t-elle.
« Je suis épidémiologiste. Quand j’ai entendu parler du plan d’immunité collective au coronavirus de la Grande-Bretagne, j’ai pensé que c’était une satire. » dit le docteur William Hanage, professeur d’évolution et épidémiologie des maladies infectieuses à Harvard, dans une tribune au Guardian.
Si aucune mesure n’avait été prise contre l’épidémie de Covid-19, il est estimé qu’entre 300 000 et 500 000 personnes en France auraient pu mourir, le système de santé étant submergé.
Et cela, pour un résultat final incertain. Cette immunité collective n’est même pas garantie, une fois le virus propagé à l’ensemble de la population. On ne connait pas toutes les particularités du virus. Il n’est même pas sûr qu’il y ait une seconde vague d’infections à l’automne, de laquelle la stratégie d’immunité collective serait sensée protéger. D’après le docteur Hanage : « les règles de la grippe ne s’appliquent pas » pour le Covid-19. Il n’est pas dit non plus que le virus ne mute pas, rendant inefficace cette stratégie pour laquelle tant de gens seraient morts.
Roy Anderson est un des grands spécialistes de l’immunité de groupe, c’est lui qui a théorisé cette notion. Et il ne recommande pas une politique de laisser-faire. Dans un article publié dans The Lancet, il recommande plutôt des mesures de distanciation sociale et d’isolement précoce des malades.
Voir l’article du Monde « Coronavirus : l’immunité de groupe, un pari risqué »
Voir l’article de Matin « Le pari vertigineux de « l’immunité collective » »
Voir l’article de Libération « Coronavirus : au Royaume-Uni, la roulette russe de «l’immunité collective» »
Voir l’article du Guardian « I’m an epidemiologist. When I heard about Britain’s ‘herd immunity’ coronavirus plan, I thought it was satire »
Voir l’article de The Conversation « The ‘herd immunity’ route to fighting coronavirus is unethical and potentially dangerous »