Non, la décroissance, ce n’est pas la récession économique.
La récession économique, c’est lorsque la croissance ralentit ou que le PIB diminue. A l’idée de récession est liée l’idée de chômage qui augmente, et d’une paupérisation de la société. Et c’est souvent de cela dont on accuse la décroissance.
Pour mieux comprendre le concept de décroissance, il faut écouter la définition qu’en donnent ses partisans.
La décroissance « n’a rien à voir avec l’inverse arithmétique de la croissance » dit l’ancien ministre de l’environnement Yves Cochet. « La décroissance n’est pas la croissance négative » dit l’économiste Jean Gadrey. « La décroissance, c’est tout, sauf l’inverse de la croissance » surenchérit le politologue Paul Ariès dans une tribune parue dans Libération, en pleine crise du Covid-19.
Le postulat de départ de l’idée de décroissance, c’est qu’ « une économie ne peut pas croître indéfiniment dans un monde aux ressources finies. »
Le terme « décroissance » est un terme provocateur. C’est un « mot-obus », qui vise à provoquer la réflexion et la discussion. Le terme « croissance zéro » est aussi parfois utilisé, ainsi que ceux de « post-croissance » ou « anti-croissance ». Jean Gadrey lui préfère le terme d’ « objection de croissance ».
Si décroître peut vouloir dire contracter volontairement le PIB, cela ne veut pas dire pour autant entrer en récession, ni moins d’emplois, ni la fin de l’économie. Cela ne veut pas dire avoir un chômage de masse, ou ne plus avoir de revenus et s’appauvrir, comme en temps de récession.
Au contraire, la décroissance vise à mieux répartir les richesses, et à mieux répartir le travail. La décroissance vise à éviter, à amortir, à réduire les crises économiques et les chocs sociaux qui y sont liés. Elle cherche à réduire la pauvreté et favoriser le plein emploi tout en préservant le capital naturel de la biosphère.
Ce que contestent les « objecteurs de croissance », c’est le fait que la croissance soit devenue un but en soi. Ils contestent l’idée qu’il est nécessaire d’augmenter la production, et donc la pollution qui y est liée, et d’alimenter la croissance. Ils contestent l’idée que la croissance soit le seul moyen de créer de l’emploi ou d’améliorer le niveau de vie d’une population.
Mettre en place la décroissance voudrait donc dire changer les fondements de l’économie. Passer d’une économie de la production et de la surconsommation à une économie circulaire, de la préservation, de la sobriété et du partage. Les décroissants parlent d’emplois à créer dans l’agroécologie, dans l’économie circulaire, la réparation d’objets (par exemple fabriquer et réparer des vélos ou des vêtements de seconde main), la reconstruction d’espaces naturels, la santé, le social, etc. Ils parlent d’une Décroissance Economique Soutenable (DES), qui soit soutenable aussi socialement.
Alors certes, la crise économique due à la pandémie de Covid-19 est caractérisée par une chute de la production, une réduction de l’activité économique, une contraction du PIB, une chute de la croissance, une baisse de la consommation. Et tout cela a finalement pour corollaire une diminution de l’extraction de ressources et une baisse de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. On pourrait dire qu’une récession présente des points communs avec une situation de décroissance. Un collectif d’intellectuels pour la décroissance parle dans Libération d’un confinement en « demi-résonance » avec la décroissance, qui est elle à « demi-subie », et est en fait, une « demi-décroissance ».
Néanmoins, comme le rappelle Vincent Liegey, porte-parole du Parti pour la décroissance : « La décroissance que nous vivons actuellement est en réalité non souhaitable et non souhaitée car on subit quelque chose d’extrêmement violent ».
Pour Paul Ariès, « la crise actuelle est la conséquence des politiques induites par le mythe de la croissance et la logique productiviste. Or la décroissance suppose de repenser les modes de production et les modes de vie. »
En fait, pour les partisans de la décroissance, il s’agira surtout de faire une « décroissance choisie », plutôt qu’une « récession subie ».
Voir l’article de France 24 « Covid-19 : la théorie de la décroissance rendue plus audible grâce au confinement »
Voir la tribune de Paul Ariès dans Libération « Le confinement n’est pas la décroissance »
Voir la tribune d’un collectif d’intellectuels pour la décroissance « Confinement : en demi-résonance avec notre décroissance »
Voir la tribune de Jean Gadrey dans Reporterre « Objecteur de croissance, pas Décroissant »
Voir l’article de Wikipedia sur la récession
Voir l’article de Wikipedia sur la décroissance
Voir l’article du Monde Diplomatique « La décroissance, une idée qui chemine sous la récession »
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